Les réflexions collectives au cours de plusieurs réunions de ces derniers mois ont produit 6 textes collectifs. C’est ce que nous considérons comme notre visée communiste, notre horizon, le but qui donne l’orientation de notre agir quotidien.
Ces textes que l’on pourrait qualifier de « stabilisés » n’ont cependant pas vocation à être gravés dans un quelconque marbre. De plus ces thèmes s’interpénêtrent inévitablement ce qui témoigne de la cohérence de la démarche. Ils peuvent et doivent être l’objet d’autres réflexions, soumises, à leur tour, à la critique pour être ré-examinées lors d’une échéance que nous devons nous fixer. C’est notre usage immédiat qui doit nous permettre sur chacune des problématiques d’exercer notre esprit critique, de contester, de corriger, d’affiner, d’ici cette échéance
C’est aux visiteurs de ce site d’intervenir. Faire vivre concrètement ces fondamentaux de façon à ce que leur portée permette d’affronter les enjeux immédiats.
Comment intervenir ?
Chacun des textes de débat qui seront présentés ici pourront renvoyer par des liens aux diverses problématiques composant notre visée ou à d’autres qui n’ont pas encore fait l’objet d’un texte « stabilisé ».
Ces autres problématiques feront, à leur tour, l’objet de publications complémentaires.
Adressez vos contributions en précisant le rapport avec les présentes problématiques ou d’autres qui pourraient ainsi nourrir une visée communiste, à communistes.unitaires@ikmail.com
Visée : Appropriation sociale
Dans une société où les travailleurs et les travailleuses ne parviennent plus à faire leur travail selon leurs critères du travail bien fait, que faire ? Se libérer du travail ou libérer le travail ? Quels rapports établir entre travail et « hors travail » ?
Si travailler c’est produire de la société, ne faut-il pas repenser l’organisation du travail ?Comment s'émanciper des rapports de subordination et d'exploitation du salariat, comment construire une société de coopérateurs s'associant librement (Marx) ?Faut-il socialiser intégralement le salaire ? Comment mesurer la « valeur » des activités humaines ?
Quelle différence faisons-nous entre appropriation sociale et nationalisation ?
L’autogestion peut-elle devenir une visée pour toutes et tous ?
Visée : Demo-cratie
« Pouvoir du peuple » appelle à déconstruire ce qui est pour nous la normalité : lorsque, après avoir provoqué des changements, un mouvement populaire s’arrête et confie la suite à l’État, l’Histoire nous dit que, dans le meilleur des cas, il n’y a pas de suite et le plus souvent les transformations obtenues sont battues en brèche.
Actuellement, le seul moment où le rôle politique des citoyen·nes est reconnu est le moment électoral. On leur reconnaît le droit de protestation, de grève, mais au plan politique leur droit relève exclusivement du droit individuel d’avoir ses opinions et n’englobe aucun moment collectif.
L’héritage est lourd. Sieyès en 1789 : « le peuple n’a pas d’existence politique propre, il ne peut parler que par ses représentants, le peuple ne peut rien vouloir en commun ; donc il ne peut faire aucune loi, il ne peut rien en commun puisqu’il n’existe pas de cette manière… ». En 1791 : « Il est temps que la Révolution s’arrête, le moyen en est la représentation nationale ».
Aujourd’hui tout concourt à casser la prééminence de la loi commune au profit du contrat de gré à gré entre individus, dans des rapports d’allégeance. Le système représentatif ne correspond plus aux besoins de qui que ce soit. Pour les dominé·e·s, c’est une absorption de ce qui devrait être leur pouvoir sur leur devenir ; pour le capital, les décisions parlementaires sont encore trop sous la pression populaire. Nous sommes face à un mouvement rampant vers un nouveau type de totalitarisme comme nouvelle phase du capitalisme.
Cela met en question tous les organismes qui nous surplombent et, ce faisant nous attribuent notre identité collective : l’État mais aussi les partis politiques, les syndicats, souvent les associations qui, en prétendant incarner les idéaux de leurs adeptes, leur demande « adhésion » et délégation de pouvoir, se substituent à eux, et finissent par faire de l’appareil sa propre finalité.
Peut-on envisager que l’affirmation du rôle du peuple ne commence qu’après une victoire sur le capital et ses forces ? Par quel miracle la posture délégataire actuelle pourrait-elle ensuite déboucher sur son contraire, une fois le capitalisme vaincu ? Il ne s’agit pas de faire disparaître l’institué ni faire disparaître l’État du jour au lendemain mais de le faire progressivement dépérir au fur et à mesure qu’il y a appropriation par l’exercice de la citoyenneté. Et ce processus est une condition du refus de la soumission aux forces de l’argent. Mais ce dépérissement ne vient pas seulement comme conclusion, il doit influer sur la nature du processus. Si la méthode demeure étrangère à la nature du but, le but n’est jamais atteint. On l’a vu avec l’Histoire. La portée des comportements de dé-liaison précipite (au sens chimique) la prise de conscience. Avant même d’avoir obtenu ce que l’on vise, la confiance en soi que produit toute volonté de maitrise sur son devenir, change la place de la personne et décuple la force des mouvements. C’est un des grands apports du mouvement des femmes.
Visée : Émancipation
Tant qu’il ne s’agit pas de l’individu·e, on ne peut parler d’émancipation et en même temps comme nous sommes des êtres sociaux, l’émancipation ne peut être que collective. Nous touchons au tréfond de l’organisation de la société et de la politique.
Si on peut être libéré par d’autres, on ne peut s’émanciper que par soi-même ; sinon nous avons une dette et donc un rapport de dépendance(si on est libéré par d’autres… on a donc aussi une dette de liberté!) non?. Une femme émancipée l’est par ses qualités non parce que son mari le lui accorde. Être émancipé·e c’est être libre de ses choix, ne plus dépendre que de sa propre volonté d’atteindre ce que l’on vise. Le vital est donc assuré. Le vital : les besoins que la collectivité doit à chacun·e de ses membres. Ce qui implique de repenser ces besoins comme un dû collectif et donc d’accès garanti voire gratuit. Le vital ne se limite pas au pain ou au logement, il inclut tout ce qui fait l’humanité y compris les besoins culturels. Nous retrouvons une définition du communisme de Marx : « le communisme c’est quand je chasse le matin, je pêche à midi, je peins l’après-midi et fais de la critique le soir, sans jamais être chasseur, pêcheur, peintre ni critique ».
On retrouve aussi cette autre définition : (guillemets ?) le communisme est le mouvement des gens du commun qui produisent ensemble les réponses à leurs besoins. Ces derniers sans cesse redéfinis car chaque réponse provoque de nouveaux besoins auxquels il faut répondre. Le communisme n’est pas une vision stagnante de la société.
Cela donne un sens particulier aux luttes pour ne pas avoir à subir sa hiérarchie au travail : il s’agit alors de faire prendre en considération l’enrichissement mutuel qu’il y a à être indispensable à la société. La reconnaissance de ce rôle indispensable est à gagner pour devenir un trait identitaire. Les révolutions ne sont pas le fait des victimes mais de celles et ceux qui se considèrent collectivement indispensables. C’est ce qu’on appelle la conscience de classe. Au travail, dans la société, être son/sa propre maître·esse c’est pouvoir affirmer ses aspirations comme nécessaires à la société. C’est le moyen d’être solidaire avec les autres. Solidaire pas moralement pour être gentil·le mais pour être soi en construisant nos sorts communs.
Cela nous fait appréhender d’une autre manière les problèmes du monde c’est-à-dire des autres peuples. Tant que des peuples sont soumis à des rapports de domination c’est comme la fission de l’atome, une fois acceptée cela ne s’arrête plus. Il n’y a pas d’émancipation pour quelques un·es indépendant·es du sort des autres.
L’émancipation n’est pas le cadeau final une fois la Révolution faite ; elle est une construction de soi permanente débarrassée de toute tutelle. Elle commence dès la mise en action et n’a pas de fin. Voilà qui nous conduit à redéfinir ce que nous entendons par politique : comment ne pas confier notre sort à des experts mais comment celles et ceux que l’on considère aujourd’hui comme ne sachant pas, deviennent leurs propres experts. Là, l’émancipation commence.
Visée : Combat écologique et anthropologique
L’objectif du mouvement ouvrier s’est traditionnellement et essentiellement fixé sur la répartition des richesses. Cela a nourri une approche restrictive devenue caduque. En quoi restrictive et caduque ?
De l’aube de l’humanité au milieu du XXème siècle le progrès technique a essentiellement prolongé ou amplifié la force musculaire. Il portait une dissociation entre travail manuel (exécution) et travail d’élaboration (commandement). Cela a servi de matrice à la dissociation entre dirigeants et exécutants – normalité qui a pénétré tous les rapports sociaux, y compris ceux de la politique. Depuis la seconde partie du siècle dernier, l’usage des savoirs s’interpénètre de plus en plus avec le faire, surtout depuis la révolution numérique. Cette dissociation élaboration/exécution (donc dirigeant·es/dirigé·es) devient obsolète. Les deux fonctions s’entremêlent de plus en plus et se retrouvent donc de plus en plus chez les mêmes individu·es. Ce qui induit la nécessité d’interpréter, de choisir, donc de prendre des initiatives et des responsabilités. Le patronat lui-même le demande aux salariés. La valorisation et l’autonomie de l’individu dans le collectif deviennent un fait incontournable. Cela dit combien le maintien de tout rapport de domination devient un frein au développement de toute activité et des sociétés. Ce qui met aussi en cause les rapports délégataires.
Comme jamais, l’émancipation des individu·es, leur prise de responsabilités sur ce qui les entoure mais aussi à l’échelle du devenir de l’humanité sont devenues la clé du développement et même de la survie de cette dernière. L’écologie y participe pleinement. Elle favorise la capacité des individu·es à embrasser des enjeux qui dépassent leur périmètre local de vie, et leur durée de vie. Cela rehausse l’exigence de maitrise et donc l’étendue de la démocratie réclamée.
Le dépassement du capitalisme implique de s’attaquer à tout ce qui a fait les fondements des sociétés jusqu’à présent : rapports de domination, exploitation… Cela pose en termes plus aigus la reconnaissance de l’autre, des différences comme composantes du tout et donc l’égalité comme support du développement des sociétés. Egalité femmes-hommes et égalité entre les peuples deviennent une nécessité. Nécessité qui ne se résume pas à l’opposition capital-travail même si celle-ci nourrit toutes les dominations et discriminations. Aussi tout mouvement qui est en quête de reconnaissance, d’égalité et d’émancipation participe également de la lutte de classes pour se (nous) dégager du capitalisme et de ses représentations.
Si ce sont « les masses qui font l’Histoire » elles sont les individu·es qui parviennent à se regrouper. Il n’y a de « Nous » qu’à partir des multiples « Je ».
Visée : A chacun selon ses besoins ?
L’objectif du mouvement ouvrier s’est traditionnellement et essentiellement fixé sur la répartition des richesses. Cela a nourri une approche restrictive devenue caduque. En quoi restrictive et caduque ?
La finalité de l’activité humaine n’est-elle pas de répondre aux besoins individuels et collectifs de chacun·e ?
Mais dans notre société devenue marchande, vendre est l’objectif et toute valeur est d’abord monétaire, c’est la loi du marché qui détermine la production de biens et de services acquis par qui en a les moyens, y compris pour payer les profits et nourrir ainsi l’accumulation et la concentration capitaliste.
Et si on remettait les choses à l’endroit ? En partant de la valeur d’usage : à quoi ça sert, à quel besoin il faut répondre, quelle est l’utilité du bien ou du service, quel intérêt dynamique pour la société… ?
Et en fonction de la prise de conscience de l’utilité individuelle et commune, comment en organiser la production en s’émancipant de la loi du marché : par la gratuité ?
Traditionnellement, on décrète qu’en dehors du marché, tout financement ne peut venir que de l’impôt ; par l’État ou les collectivités territoriales.
Pourtant la sécurité sociale existe, elle est financée par une cotisation prélevée sur la valeur ajoutée par le travail pour créer un fonds qui devrait être géré démocratiquement par les usagers et les salariés qui créent la valeur, ce qui reste à regagner.
Un tel système, adapté, peut être envisagé dans bien d’autres domaines.
Cela permettrait de donner du pouvoir d’achat, en particulier à ceux qui en ont le moins, et d’utiliser la valeur créée à développer une activité économique vertueuse, respectueuse de la nature et utile pour chacun(e) dans la société et qui devrait être respectueuse de la nature.
On passerait ainsi de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins.
Mais cela ne pourra pas se faire sans luttes à la fois revendicatives et politiques, déterminantes pour ouvrir le chemin de l’alternative.
Comme jamais, l’émancipation des individu·es, leur prise de responsabilités sur ce qui les entoure mais aussi à l’échelle du devenir de l’humanité sont devenues la clé du développement et même de la survie de cette dernière. L’écologie y participe pleinement. Elle favorise la capacité des individu·es à embrasser des enjeux qui dépassent leur périmètre local de vie, et leur durée de vie. Cela rehausse l’exigence de maitrise et donc l’étendue de la démocratie réclamée.
Le dépassement du capitalisme implique de s’attaquer à tout ce qui a fait les fondements des sociétés jusqu’à présent : rapports de domination, exploitation… Cela pose en termes plus aigus la reconnaissance de l’autre, des différences comme composantes du tout et donc l’égalité comme support du développement des sociétés. Egalité femmes-hommes et égalité entre les peuples deviennent une nécessité. Nécessité qui ne se résume pas à l’opposition capital-travail même si celle-ci nourrit toutes les dominations et discriminations. Aussi tout mouvement qui est en quête de reconnaissance, d’égalité et d’émancipation participe également de la lutte de classes pour se (nous) dégager du capitalisme et de ses représentations.
Si ce sont « les masses qui font l’Histoire » elles sont les individu·es qui parviennent à se regrouper. Il n’y a de « Nous » qu’à partir des multiples « Je ».
Visée : Processus
Il y a plusieurs manières d’aborder la transformation de la société.
Le Grand Soir type 1917 : plus personne n’y croit. La seconde : une progression vers des changements en faisant reculer le système à partir des revendications. Celles-ci étant essentiellement du domaine de la protestation. Mais si cette démarche induit, au nom du concret, qu’un rapport de forces suffisant pourrait renouer avec les compromis capital/travail que le système a accepté durant une bonne part du XXème siècle, ce serait ignorer qu’aujourd’hui le système, en crise, se coupe de plus en plus du développement de la société. Dès lors ces compromis sont un luxe que le capital ne peut plus se payer et sont devenus illusoires. Les aspirations populaires de différentes natures sont antinomiques avec la poursuite du système. À la fois parce que les investissements nécessaires au travail et les dépenses sociales qu’il implique sont jugés moins rentables que la spéculation et aussi parce qu’avec l’élévation du niveau des connaissances grandissent le rôle de l’individu·e et l’exigence de démocratie. La société a donc besoin de rendre immédiates les ruptures avec le système.
Trop souvent les transformations nécessaires sont vécues en dehors du mouvement populaire avec « des étapes » comme au Tour de France, parfois même avec un calendrier. Chaque proposition est présentée en elle-même et non comme porteuse de transformation de la société et débouchant sur des exigences nouvelles. Chaque avancée devenant un enchaînement vers une suite. D’où notre option pour la notion de processus. Dans cette démarche, ce n’est plus une intervention extérieure qui réalise le but, c’est le mouvement populaire. Dans ce mouvement, le « déjà là » prend une importance stratégique et le centre de gravité de la politique se déplace vers ceux qui agissent.
Si « processus » implique de ne pas tout faire d’un coup, il n’y a pas de processus sans que l’immédiat ne s’inscrive consciemment vers une visée fondamentale. Le mot « vers » est décisif. Au compte du mouvement populaire, il y a la nécessité d’envisager de nouveaux critères pour faire société. Si on ne fera pas la révolution d’un coup, on ne la fera pas sans l’intention de la faire, par un heureux concours de circonstance. « Processus » implique une visée, une intention, sans lesquelles il ne peut exister. D’où la nécessité de faire de chaque enjeu un élément de rupture avec le système actuel et de réorganisation de la société. La lutte change de nature en devenant un lieu où s’élaborent des solutions porteuses d’une autre organisation de la société. Cela appelle chaque participant·e à l’action à contribuer à l’élaboration de ces solutions. Processus révolutionnaire est en même temps processus de transformation de soi-même.
Et rien ne se planifie à l’avance ; dans son déroulement le processus ne peut que nous surprendre. Prétendre définir à l’avance son parcours est illusoire.
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