À quoi ça sert?

A quoi sert d’évoquer une dimension anthropologique ? Le texte présenté peut paraître abstrait mais en fait il est la clé pour comprendre à quel point la crise politique et institutionnelle que nous connaissons (pas seulement en France) est un enjeu historique. User de ce concept ou l’oublier est décisif pour tout de suite. Qu’implique la notion d’individuation ? Il devient impossible de concevoir quoique ce soit de collectif sans prendre en compte l’individualité de celles et ceux qui sont appelé/es à composer ce mouvement collectif. De plus en plus le JE comme composante du NOUS s’affirme. La cohésion d’une équipe de rugby tient au fait qu’il n’y a pas deux joueurs qui font exactement la même chose, et c’est ce que je vous souhaite si par malheur vous devez passer sur le billard.

Si on reprend le fil de la réflexion qui nous est proposée on mesure combien des comportements et des idées sont anachroniques. Tenter de recoller les morceaux de la gauche est courir après une époque révolue. Le « JE » devient la condition du « NOUS ». Un processus d’individuation est en cours il participe de l’évolution des forces productives : les dépassements des anciennes formes de commandement au travail, les rejets de la verticalité dans la famille, dans la société sont des signes forts de notre temps. La conception traditionnelle de la notion de « politique » induit la supériorité d’une élite au regard des « profanes » et de ce fait est devenue obsolète. Les règles qui président à l’organisation de la société fondées sur des rapports de domination sont sans lendemain d’où la crise sans précédent du parlementarisme et les recours à l’autoritarisme pour passer en force. D’où l’étiolement du système représentatif et du rôle des élections. D’où l’obsolescence de la social-démocratie et de tout espoir de recoller les morceaux d’une gauche également frappée d’obsolescence. Que reste-t-il ? D’inventer comme à chaque fois les révolution ont eu lieu en inventant. C’est-à-dire chercher dans l’au-delà de ce qui nous est acquis les réponses. On s’apercevra vite que c’est déjà ce que cherchent à faire quelques millions d’hommes et de femmes mais dans leur coin. Il est temps que celles et ceux qui veulent agir en faveur du dépassement du capitalisme s’imprègnent de cette double réalité : pas d’aménagement possible ni du capitalisme ni des institutions et ce, pour les mêmes raisons. Le refus de la vie chère : une revendication ? une page d’un programme ou un levier pour chercher ensemble comment lutter efficacement contre la vie chère en cernant ce qui la provoque et en s’y affrontant. Chaque individu/e devient alors non pas « membre » (membre ce sont les bras et les jambes et la tête est ailleurs) mais co-auteur d’organisation de la société.

Pierre Zarka

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