
Visée : Processus
Concrètement dans le marasme actuel, à quoi sert cette notion de processus ?
A cette rentrée, le système représentatif a tellement déçu que des millions de personnes – tous électorat et abstentionnistes confondus – n’y croient plus. De l’autre côté : Macron non plus ne s’y retrouve pas : coups de force par 49-3 et/ou période de transition gouvernementale qui n’en finit pas. Nous vivons une vraie crise de régime. Ce mot crise dit que cela ne peut pas continuer, ni rester en l’état ni revenir en arrière. On nous fait attendre la suite « d’en haut » comme si c’était au-dessus de nous que tout se jouait, qu’une fois la législative passée, là s’arrêtait notre rôle de citoyen/ne. Mais n’est-ce pas le moment pour les citoyen·ne·s de clamer qu’il ne faut pas oublier que ce sont elles et eux qui sont à l’origine de cette situation et qu’ils/elles n’attendent pas que des appareils règlent le problème à leur place ? Si nous visons une appropriation collective des moyens de décider, la réalité syndicale, associative ou politique ne sont plus que des portes d’entrées pour le même exercice. Déjà la Cgt des cheminots a manifesté en réclamant l’application du programme du NFP ; Sophie Binet a rappelé que les acquis du CNR sont dus à la fois aux partis et aux syndicats. Déjà des coopératives autogérées se sont substituées à des entreprises traditionnelles.
Bien sûr chacun de ces exemples est porteur de limites. On peut dire que la manif des cheminots CGT comportait aussi une dimension délégataire ; que dans une dernière déclaration Sophie Binet CGT a tenu à distinguer la responsabilité propre aux partis ce qui renvoie à la dissociation social/politique ; que les coopératives sont trop repliées sur leur périmètre et que NFP est trop tourné vers l’institutionnel. Il ne s’agit pas de dire « c’est mieux que rien » mais d’interroger chaque avancée pour voir s’il n’y a pas des limites qu’elles peuvent dépasser. Pour aller au-delà. Dit autrement aborder chaque avancée en interrogeant quelle pourrait-être la suivante.
Les Gilets Jaunes ont laissé la trace que le mouvement populaire doit compter d’abord sur lui-même. Les coopératives mettent déjà ce principe en œuvre. L’élection ne suffit pas à effacer ce phénomène d’autant que les atermoiements autour de la constitution du gouvernement aggravent le discrédit des politiciens.
On nous annonce déjà des manifs à la rentrée sur le déni de démocratie de Macron d’autres sur des revendications… La rue reparlerait-elle ? Mais parlerait de quoi ? De ce qui ne va pas ou de ce qu’il faut faire ? On évoque des assemblées de base pour le NFP ; mais est-ce pour soutenir les responsables politiques ou pour définir ce qu’ils doivent porter au cœur de la société et de l’espace institutionnel ?
Cela me conduit à cette autre dimension : où trouver l’argent ? L’État annonce des déficits. Et qui d’un autre côté annonce des bénéfices exorbitants ? La réponse est dans les cours de la Bourse. Or un sondage est (discrètement) apparu cet été : 82% des interrogés souhaitent que l’on puise dans les superprofits. Et si là était l’enjeu qui conduisait Macron à faire obstruction ? Et si de là pouvait découler une prise de conscience de former une majorité d’opinion ? Et d’en tirer l’exigence d’être écoutés ? Dès lors cela peut devenir l’objectif de biens des luttes.
Dès lors chaque manifestation publique devient un moment d’un mouvement de la société vers autre chose que ce qu’elle est. Chaque participant·e devient force de « pouvoir-accomplir ». Chaque affrontement commencerait à prendre les contours d’un projet politique.
Pierre Zarka