Températures, sécheresses, inondations inédites et catastrophes naturelles de grande ampleur, l’année 2024 est en passe de s’achever avec un nouveau record climatique mondial alarmant. Selon le programme de l’union européenne Copernicus, les températures ont affiché une hausse de 1,64° plus chaudes sur les 12 derniers mois, que le climat moyen pré-industriel. Rappelons qu’en 2015 la COP 21 avait acté un réchauffement maximum de 1,5° à 2° d’ici l’année 2100…
Face à cette envolée, la réponse mondiale apparaît ridiculement peu adaptée. En France, la jeunesse s’est emparée de cette cause et devant le rouleau compresseur capitaliste, l’organisation sociale qu’elle dresse éclaire la société à venir.
Depuis la bataille du Larzac, du début des années 70, jusqu’à celle de Notre-Dame des Landes, les ZAD se sont succédées et continuent d’essaimer. « Les soulèvements de la terre », fondée en 2021 regroupe plus d’une centaine d’associations et collectifs à travers le pays, pour organiser principalement des campagnes d’actions. Animés par une remise en cause fondamentale du productivisme, ces mouvements ont en commun une critique des projets estampillés par leurs promoteurs « Zone d’Aménagement Différé », qu’ils rebaptisent en « Zone A Défendre » quand leurs critiques les amènent à les qualifiés de « grands projets inutiles et imposés ». Porté par leurs valeurs, leur détermination et l’urgence d’agir, leurs modes d’action cherchent à faire converger leurs luttes zadistes avec celles des militants écologistes et des paysans, en s’appuyant sur les luttes locales. L’essentiel des tactiques de résistance employées reposent sur la désobéissance civile et l’action directe. Sur le terrain, la foule disparate qui la compose donne à voire une diversité des profils, des statuts sociaux, une variété des motivations, des niveaux d’engagement, des différences de trajectoires biographiques et des expériences préalables, autant de motifs qui pourraient les exposer à la discorde. Mais il n’en est rien. Ces engagements volontaires constituent autant d’expérience de rencontres, d’organisation sociale inédites, chaque fois approfondie, véritables laboratoires des relations, des stratégies et des inventions humaines au service d’une cause commune.
Cette forme de vie implique de développer au quotidien des alternatives aux pratiques et normes en vigueur existant dans une société dominée par un système standardisé et marchand. À l’instar du mouvement des Gilets Jaunes, une remise en cause fondamentale de la représentation politique débouche sur une horizontalité des pratiques, une organisation en réseaux qui se déclinent en plusieurs autres, une démocratie directe, un rejet de la personnalisation et de la représentation. Il en va de même pour l’hébergement ou la nourriture qui sont revisités par la critique et dynamisés par le pragmatisme.
L’ordre social dominant y est balayé et l’on peut y voir émerger les prémices d’une socialité nouvelle, ainsi que les zadistes du plateau du Larzac ou du mouvement des Gilets Jaunes s’y étaient naturellement employés. Dans toutes ces occurrences, les relations se tissent dans une dynamique de « faire ensemble », de partage, de solidarité et de mise en commun.
Si ce « déjà la » ne relève d’aucune institution et disparaît avec la fin des combats, il montre, à chacune de ses résurgences, qu’une nouvelle socialité est en gestation et qu’elle apparaît de manière identique chaque fois que la question de l’organisation sociale se pose en des termes nouveaux. Ce n’est donc pas, à proprement parler, un « déjà là », C’est la manifestation insistante et collective d’une demande de profonds changements, d’un « pas encore là » en ébullition qui se fait attendre sans être encore entendu.
Jean-Blaise Lazare