
Visée : Appropriation sociale
La RES (Reprise d’Entreprise par les Salariéƒe·s) de la société Duralex, après « l’échec « de plusieurs plans sociaux relance le questionnement sur les dynamiques alternatives aux plans sociaux. Et plus largement au fonctionnement du travail et de l’emploi.
Si le phénomène n’est pas nouveau, constatons qu’il a pris un peu d’ampleur (mais soyons modestes !) ces dernières années. Fralib (thés et tisanes 1336) fête ses dix ans de reprise après l’abandon en rase campagne aubagnaise de l’usine Unilever. Il a fallu maintenir l’outil de production, trouver des financements, puis des circuits de distribution, et des producteurs. Conformes aux principes de la coopérative et de l’ESS, qu’il s’agisse de thés (à l’étranger) ou de tisanes (dans nos campagnes). La Belle Aude s’est confrontée aux mêmes réalités. Certains n’ont pu tenir, Hélio-Créteil par exemple.
Le chiffre d’affaires des coopératives (https://www.entreprises.coop/top-100-des-entreprises-cooperatives-edition-2024 ) est en forte progression, RES comprises. Les 100 plus importantes (certes on y trouve de tout !!!!) emploient quand même plus de 900 000 salarié·e·s. Mais les pouvoirs publics ont manié à l’envi les atermoiements, le ministère de l’ESS est devenu un intermittent des compositions gouvernementales. Les 10 ans de la loi Hamon feront l’objet d’un colloque de France ESS (qui regroupe les chambres régionales et acteurs de l’ESS) mais la tendance lourde reste un positionnement de niche, laissant l’ESS s’occuper de ce que le Grand Capital ne veut plus ou sur lequel il veut éviter de prendre des risques.
Le bilan est donc contrasté. Il n’en reste pas moins que pour les milliers de salarié·e·s concerné·e·s, l’aventure leur fournit un empli, dans des conditions et des territoires où l’alternative est souvent l’inactivité. Le modèle social interne, qui est trop souvent critiquable dans l’ESS et les coopératives, semble faire l’objet d’une meilleure attention quand les salarié·e·s même s’en sont saisis.
DURALEX en est donc un nouvel exemple. Il va falloir trouver son modèle économique. Et l’expérience montre, comme toutes les études et cabinets qui s’y intéressent, que se couler dans les pratiques néo libérales n’est pas gage de survie. La création des SCIC (sociétés coopératives qui permettent à des collectivités d’être partie prenante) a permis un meilleur ancrage dans les territoires autant qu’une plus grande implication des collectivités dans ces aventures économiques.
Ce bilan vaut pour la châtaigne aux confins de l’Ardèche et de la Drôme, des fermes urbaines, des tiers-lieux, des industries ou des pôles territoriaux de coopération économique intégrant formation, insertion, emploi et production des biens et services.
Ces coopératives apparaissent donc bien comme des alternatives au chômage et à la désindustrialisation. Durables ? L’enjeu est réel. Subventionnées ? Pas forcément mais le soutien des pouvoirs publics est nécessaire.
Il reste que deux problématiques sont majeurs dans cette dynamique.
1) L’absence d’un réseau solide de financements et de distribution contrôlé par les producteurs comme par les « client·e·s » pèse lourdement. Le manque de coopératives alimentaires, la faiblesse des CSE et des circuits « alternatifs » oblige à négocier avec les grandes centrales, dont Carrefour ! Une véritable autonomie de l’économie sociale, solidaire et coopérative est à construire, et pas en subsidiarité du CAC40 !
2) Cette façon de faire entreprise dit-elle quelque chose d’une autre société qui organiserait autrement, production, travail, emploi, activités avec les personnes et les territoires ? J’en suis persuadé. Si l’on veut considérer la primauté des collectifs de travail sur la production, l’activité et ses formes et contenus, si l’on considère que les salarié·e·s sont les meilleur·e·s experts du travail et de la production, voici des fils qui peuvent tisser de nouveaux possibles.
Le formidable élan de commande qui a accompagné la reprise de Duralex en coopérative nous confirme que ce chemin n’est ni illusion rêveuse, ni béquille du capitalisme, La question de vivre et travailler (au pays) autrement resta profondément ancré dans l’imaginaire progressiste. Il devrait constituer une trame centrale d’un imaginaire communiste qui partirait des utopies réelles en œuvre pour envisager le monde de demain.
Patrick Vassallo