
Le média indépendant breton nhu publie un important article sur « la centralisation pathologique autour de Paris ». Une occasion d’interroger notre visée en ce qui concerne l’organisation et les fondamentaux de notre république. Que des bretons, si maltraités par l’État français, se rebellent contre le centralisme français n’a rien d’incongru ; c’est même justifié et sain. Il est d’ailleurs d’usage courant (en région) de s’en prendre au parisianisme, à « la Capitale » ou à l’État (central). De façon justifiée, mais parfois non sans quelque populisme… L’intérêt de cet article (Centralisation pathologique autour de Paris – image extraite de l’article) est de pointer biais et affirmations qui méritent discussion, tout autant que les angles morts de ce point de vue.
Si la France a de longue date bâti un appareil d’État et un fonctionnement centralisé, dans d’autres pays la construction nationale s’est faite autour d’une Capitale : Londres et l’Angleterre, les pays scandinaves (hors Islande), Moscou et la Russie, Tokyo et le Japon (malgré les îles),… Les décentralisations engagées (en France depuis 1983) -comme l’affirmation de l’État italien depuis une 20taine d’années) ont été l’outil (ou le prétexte) de reculs sociaux conséquents et d’une mise en concurrence renforcée des territoires et des actions publiques. Quelque soit l’intérêt et les attentes progressistes qui ont pu les accompagner.
- L’État central français a-t-il évolué ?
La décentralisation engagée par Deferre a ouvert de larges parts d’autonomie et de responsabilités aux collectivités locales ainsi qu’à des organismes para-publics. Pour autant on ne peut en tirer le bilan d’une avancée progressiste. La démocratie, l’auto-organisaton de la population n’a guère progressé ; l’emprise des grands groupes capitalistes du bâtiment et de l’ingénierie publique (Veolia, Vinci, Events…) s’y est plutôt renforcée.
Privatisations et « ouvertures à la concurrence » se sont traduites par une dégradation des services et l’augmentation des prix. Il y aurait grand besoin d’un nouveau contrat collectif qui garantisse en même temps (comme dirait l’autre !) les solidarités nécessaires et l’autonomie des territoires (à commencer par le fait communal et la démocratie directe).
Le projet de VI° République, porté à gauche, appelle expérimentations et approfondissements. En particulier un volet international fort absent jusqu’ici.
- Quel rôle jouent les États dans le capitalisme mondialisé
La fin de l’époque coloniale a permis au capitalisme, nouvelles technologies aidant, de se mondialiser à tout va. Le poids des États a nettement faibli. Les GAFSAM l’illustrent. La fin du droit international le confirme.
Confrontés aux guerres, au réchauffement climatique, aux xénophobies, aux manques d’eau et aux famines, les peuples ont tout intérêt à reconstruire un altermondialisme à leur main. La circulation croissante de jeunes (plutôt occidentaux) et les migrations (plutôt forcées et du Sud) d’un bout à l’autre de la planète constituent un incontournable de ce vivre monde à élaborer. Le statu quo n’est pas tenable. La barbarie guette….
- Métropolisation et étatisation vont-ils de pair ?
Deux angles morts d’ampleur biaisent souvent ce débat. Aujourd’hui, la principale menace vient de la métropolisation. Non seulement cette course au gigantisme, au toujours plus grand, n’a que faire des sols, de leur biodiversité, de leur artificialisation, mais les populations en sont les principales victimes : les centres de décision s’éloignent, le zonage territorial est l’outil de ségrégations et d’exclusions grandissantes. Les ruralités payent cash et cher. Une véritable altermondialisation est à l’ordre du jour. 1 Elle peut s’appuyer sur deux leviers principaux : la coopération et pas la concurrence ; la libre circulation des personnes et des produits. Dès lors, une autre façon de produire, la complémentarité entre durabilité économique locale et circuits courts peut nourrir un meilleur respect de la planète et de ses occupant·e·s. Dans le commerce équitable, dans les réseaux sociaux, par des accords régionaux ou particuliers, bien des exemples montrent le possible.
- Quelle visée préciser ?
Le monde que nous voulons ne peut être celui de la barbarie, de la loi du plus fort, de la course au profit, à la vitesse, à l’expansion. Notre parti pris de l’auto-organisation, de l’émancipation globale et générale, s’appuie sur un respect scrupuleux de la personne et du vivant et du droit des peuples -de chaque peuple- à disposer d’eux-mêmes. La priorité sociale conditionne l’alternative écologique. Cette nécessaire exigence écologique ne peut que s’articuler à une nouvelle donne sociale internationale.
On ne fera pas avec de l’eau tiède. Ici aussi nous ne parlons pas de transition, de « simple » transformation mais bien plus totalement d’alternative. Produire, Vivre, faire société, faire monde autrement. Le temps est compté. L’indispensable est possible.
Patrick Vassallo, le 30 juillet 2025
1 https://ceriseslacooperative.info/2025/03/21/pour-un-autre-monde-il-y-a-urgence/ https://ceriseslacooperative.info/?s=altermetropolisation