
Il y a plusieurs manières d’aborder la transformation de la société.
Le Grand Soir type 1917 : plus personne n’y croit. La seconde : une progression vers des changements en faisant reculer le système à partir des revendications. Celles-ci étant essentiellement du domaine de la protestation. Mais si cette démarche induit, au nom du concret, qu’un rapport de forces suffisant pourrait renouer avec les compromis capital/travail que le système a accepté durant une bonne part du XXème siècle, ce serait ignorer qu’aujourd’hui le système, en crise, se coupe de plus en plus du développement de la société. Dès lors ces compromis sont un luxe que le capital ne peut plus se payer et sont devenus illusoires. Les aspirations populaires de différentes natures sont antinomiques avec la poursuite du système. À la fois parce que les investissements nécessaires au travail et les dépenses sociales qu’il implique sont jugés moins rentables que la spéculation et aussi parce qu’avec l’élévation du niveau des connaissances grandissent le rôle de l’individu·e et l’exigence de démocratie. La société a donc besoin de rendre immédiates les ruptures avec le système.
Trop souvent les transformations nécessaires sont vécues en dehors du mouvement populaire avec « des étapes » comme au Tour de France, parfois même avec un calendrier. Chaque proposition est présentée en elle-même et non comme porteuse de transformation de la société et débouchant sur des exigences nouvelles. Chaque avancée devenant un enchaînement vers une suite. D’où notre option pour la notion de processus. Dans cette démarche, ce n’est plus une intervention extérieure qui réalise le but, c’est le mouvement populaire. Dans ce mouvement, le « déjà là » prend une importance stratégique et le centre de gravité de la politique se déplace vers ceux qui agissent.
Si « processus » implique de ne pas tout faire d’un coup, il n’y a pas de processus sans que l’immédiat ne s’inscrive consciemment vers une visée fondamentale. Le mot « vers » est décisif. Au compte du mouvement populaire, il y a la nécessité d’envisager de nouveaux critères pour faire société. Si on ne fera pas la révolution d’un coup, on ne la fera pas sans l’intention de la faire, par un heureux concours de circonstance. « Processus » implique une visée, une intention, sans lesquelles il ne peut exister. D’où la nécessité de faire de chaque enjeu un élément de rupture avec le système actuel et de réorganisation de la société. La lutte change de nature en devenant un lieu où s’élaborent des solutions porteuses d’une autre organisation de la société. Cela appelle chaque participant·e à l’action à contribuer à l’élaboration de ces solutions. Processus révolutionnaire est en même temps processus de transformation de soi-même.
Et rien ne se planifie à l’avance ; dans son déroulement le processus ne peut que nous surprendre. Prétendre définir à l’avance son parcours est illusoire.